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Alabama : 1 100 mineur·es syndiqué·es en sont à leur cinquième mois de grève

Alabama : 1 100 mineur·es syndiqué·es en sont à leur cinquième mois de grève

Plus de 1 000 mineur·es syndiqué·es sont en grève en Alabama depuis des mois, résistant à une entreprise qui fait passer ses actionnaires avant le bien-être des travailleur·euses. Pourtant, l'establishment politique reste ostensiblement silencie

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Solidaires (CM)

Bien que les emplois dans les mines de charbon constituent une part de l'économie américaine qui se réduit rapidement, ils ont été un puissant enjeu symbolique pendant les campagnes présidentielles de 2016 et 2020. Les candidats des deux grands partis ont consacré un temps d'antenne considérable au sujet du charbon, avec plus ou moins de succès. Et pourtant, alors que 1 100 mineur·es de la mine de charbon métallurgique de Brookwood, en Alabama, sont entré·es dans leur cinquième mois de grève en début de cette semaine, l'establishment politique est resté ostensiblement silencieux.

Les mineur·es, représenté·es par l'United Mine Workers of America (UMWA), ont débuté leur grève le 1er avril 2021 après l'échec des négociations contractuelles avec leur employeur, Warrior Met Coal. La semaine dernière, ils ont porté leur protestation à Wall Street, et se sont rassemblé·es devant le siège de BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde et l'actionnaire le plus puissant de Warrior Met.
Les mineur·es, qui extraient le charbon à coke utilisé pour fabriquer de l'acier, affirment que BlackRock arrache des bénéfices à leur communauté sans se soucier du bien-être des travailleur·euses.

Warrior Met Coal, Inc. a été créée pour acheter les restes de Walter Energy après que l'entreprise ait déclaré faillite en 2016. Les procédures du tribunal des faillites, qui ont tendance à valoriser les actifs de l'entreprise au détriment du bien-être des travailleur·euses, ont établi que les avoirs de Walter Energy seraient vendus "libres et quittes", ce qui signifie que Warrior Met n'a pas à honorer les engagements que son prédécesseur avait pris envers les mineur·es et leur syndicat. Dans le but de garder les mines ouvertes et de sauver les pensions et la couverture médicale des retraité·es, les membres de l'UMWA à Brookwood ont alors accepté un contrat médiocre exigeant d'atroces sacrifices.

L'extraction du charbon est l'une des professions les plus dangereuses sur le plan physique aux États-Unis, avec des taux élevés de blessures et de maladies qui altèrent la vie, comme la silicose et le poumon noir. Les mineur·es syndiqué·es se sont battu·es avec acharnement pour obtenir une assurance maladie de qualité supérieure afin d'alléger le fardeau physique de leur travail. Dans le cadre de la convention avec Warrior Met, les mineur·es ont vu leur couverture à 100 % passer à un système 80/20, ce qui a entraîné des dépenses massives à la charges des mineur·es. Le salaire a été réduit de 6 à 8 dollars de l'heure, ce qui le place bien en dessous de la norme industrielle pour des mineur·es syndiqué·es. Les pensions durement gagnées ont été remplacées par des plans 401K [système d'épargne retraite par capitalisation NdT] minables.

Les pratiques de Warrior Met en matière d'horaires et de licenciement sont devenues de plus en plus féroces, alors même que la capacité des travailleur·euses à obtenir des heures supplémentaires était réduite à néant. Les mineur·es devaient faire des temps de travail allant jusqu'à seize heures, et ce, jusqu'à sept jours par semaine. "Vous pouviez être programmé sept, dix, vingt jours d'affilée", déclare Haeden Wright, président de l'auxiliaire de deux sections locales de l'UMWA en grève.

Les mineur·es ont perdu tous les congés sauf trois jours à passer avec leur famille. Ils et elles pouvaient s'absenter du travail jusqu'à trois jours en cas de décès d'un proche, mais en vertu de la politique des "quatre choix" de Warrior Met, un quatrième jour de congé était un motif de licenciement. Alors que les mineur·es étaient poussé·es à travailler de plus en plus dur, les protocoles de sécurité qui les protégeaient étaient relâchés. Les travailleur·euses se plaignaient d'un manque de respect généralisé et flagrant de la part de la nouvelle équipe de direction.

Pendant cinq ans, les mineur·es de l'UMWA ont toléré ces mauvaises conditions. Ils et elles ont sorti la société de la faillite et ont généré des milliards de bénéfices pour ses investisseurs new-yorkais. Mais le syndicat affirme que lorsque les négociations contractuelles ont commencé plus tôt cette année, Warrior Met a refusé de tenir sa promesse de prospérité partagée. Alors que les travailleur·euses d'Amazon à Bessemer terminaient leurs élections, les mineur·es de l'UMWA à Brookwood ont voté pour lancer la première grève de leur syndicat en Alabama depuis 40 ans.

Au départ, tous·tes espéraient parvenir à une résolution rapide. Peu après le début de la grève, Warrior Met et les dirigeants de l'UMWA se sont mis d'accord sur un contrat qui ignorait la plupart des préoccupations des mineur·es, proposant une augmentation de 1,50 dollar sur cinq ans. Les membres du syndicat ont voté massivement pour rejeter cette offre et ont maintenu leur détermination malgré les tactiques agressives de la compagnie, y compris l'obtention d'une injonction du tribunal limitant l’étendue de la grève, les arrestations et l'intimidation de la police et de la sécurité privée, et plusieurs attaques graves de véhicules contre les grévistes. La réaction anti-ouvrière des forces de l'ordre et l'éloignement des piquets de grève ont ajouté un élément de danger, rappelant l'époque où les patrons pouvaient brutaliser librement les mineur·es en grève.

Le centre de l'Alabama a une profonde tradition en matière de syndicalisme des mineur·es de charbon. Comme l'écrit la journaliste syndicale Kim Kelly : « Si beaucoup de la nouvelle génération de travailleur·euses n'étaient pas présent·es (ni même vivant·es) la dernière fois que les mineur·es de charbon de la région ont fait grève, leurs pères, grands-pères et arrière-grands-pères l'étaient certainement et ont transmis ce savoir à leurs proches. Le syndicat fait partie de la vie dans ces mines depuis 1890, lorsque John L. Conley a fondé le district 20 de l'UMWA en Alabama, qui reste l'une des sections de l’UMWA les plus intégrées du pays, où environ 20 % des travailleur·euses sont des Noirs. »

La grève a reçu un soutien considérable de la part des résident·es locaux, et Wright et les autres membres du réseau de soutien maintiennent un garde-manger rempli pour aider les familles à survivre avec les modestes versements de soutien aux grévistes bi-hebdomadaires de l'UMWA.

L'attention des médias traditionnels, cependant, a été pratiquement absente. Même les vidéos sur la agressions flagrantes de l'entreprises n'ont pas réussi à percer le silence national. Une histoire sur les mineur·es de charbon du Sud maltraité·es par les élites new-yorkaises semble faite sur mesure pour Fox News, et pourtant la chaîne l'a à peine mentionnée - ce qui prouve que son flirt avec le populisme économique est purement performatif.

De l'autre côté de la barrière, Joe Biden est également resté silencieux. Plus tôt cette année, il a fait des vagues en déclarant que les travailleur·euses d'Amazon à Bessemer avaient le droit de s'organiser. Est-ce trop pour lui de dire également que les mineur·es de Brookwood méritent des protections élémentaires en échange de leur travail qui met leur vie en danger ? (Au moins trois anciens dirigeants de BlackRock occupent aujourd'hui des postes importants dans l'administration de Biden, notamment Brian Deese, conseiller économique en chef du président, et Adewale Adeyemo, secrétaire adjoint au département du Trésor ; l'ancien stratège en investissement mondial de BlackRock, Mike Pyle, est le conseiller économique en chef de Kamala Harris).

Les mineur·es comme ceux de Brookwood seront au cœur de la transition vers une économie sans combustibles fossiles. Ils et elles s'opposent à des intérêts puissants qui brûlent volontiers les corps des travailleur·euses et le climat. Si les démocrates voulaient sérieusement faire avancer un plan climatique centré sur les travailleur·euses, ils et elles saisiraient toutes les occasions de se joindre à des luttes comme celle-ci.

Pendant ce temps, les mineur·es continuent à tenir leur piquet de grève et à chercher des soutiens. Mercredi, ils et elles ont organisé un rassemblement de deux mille personnes qui a rassemblé des membres de l'UMWA de l'Illinois, de l'Indiana et de plusieurs autres États. "Nous ne demandons pas grand-chose", a déclaré le mineur en grève Emanuel Burnfield à un journal local. "Tout ce que nous voulons, c'est le remboursement de nos anciens salaires et 100 % de notre assurance maladie".

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