Etats-Unis : vague de grèves et enjeu syndical
Solidaires (CM)
Dix mille travailleurs de John Deere se sont mis en grève aujourd'hui. Soixante mille membres de l'IATSE [Alliance internationale des employés du spectacle] pourraient être en grève d'ici lundi. Ils rejoindront les milliers d'infirmières, de mineurs, de travailleurs hospitaliers, d'ouvriers d'usine et d'autres personnes déjà en grève dans toute l'Amérique [38 000 travailleurs de la santé de Kaiser Permanente menacent de faire grève pour des augmentations de salaire Ndt]. Nous voilà dans la vague de grève tant attendue. Qu'est-ce que ce développement passionnant indique au mouvement ouvrier sur ce que devrait être son orientation future ?
Permettez-moi de formuler cela d'une manière plus positive : la vague actuelle d'actions de grève offensives à travers le pays est l'une des choses les plus inspirantes sur le plan politique qui se soit produite depuis des années. Mais la chose fondamentale que le mouvement syndical doit faire reste exactement la même que l'année dernière, et l'année d'avant : nous devons syndiquer beaucoup, beaucoup plus de travailleurs. Une vague de grève au sein d'un mouvement ouvrier en expansion est le germe de quelque chose de grand pour la société dans son ensemble ; une vague de grève au sein d'un mouvement ouvrier en déclin reste, malgré tous ses charmes, un fait mineur pour tous ceux qui regardent de l'extérieur. Dans une société définie par l'inégalité et l'élitisme, les syndicats risquent de ne devenir qu'un distributeur d’avantages supplémentaires pour les quelques chanceux.
La promesse et le pouvoir de ces grèves portent en eux l'impératif pour les syndicats de se développer. Tant que le taux de syndicalisation continuera de baisser, comme c'est le cas depuis le milieu du 20e siècle, la grève restera un outil inaccessible à la grande majorité des travailleurs américains. Une grève est une bombe dont le rayon d'explosion est étroitement contenu. Son plein potentiel ne sera jamais libéré si nous ne permettons pas à chacun d'en tirer les leçons. Il est formidable d'inciter des millions de travailleurs à se battre pour une vie meilleure, mais lorsque seulement 10 % d'entre eux disposent de l'outil nécessaire pour y parvenir, cette inspiration peut rapidement se transformer en cynisme et en désespoir.
La bonne nouvelle est que les grèves et les nouvelles organisations sont naturellement complémentaires. Il n'y a pas de meilleure publicité pour les avantages de l'adhésion à un syndicat qu'une grève réussie et très visible qui met à genoux un employeur autoritaire. Si l'IATSE se met en grève, [le conflit porte notamment sur les périodes de repos raisonnables, les pauses repas et un salaire décent pour ceux qui se trouvent au bas de l'échelle des salaires] l'ensemble des industries du cinéma et de la télévision s'arrêtera. C'est sacrément impressionnant, quel que soit le critère retenu.
De nombreux Américain·es ne connaissent peut-être pas grand-chose aux syndicats, mais ils et elles sauront quand leurs émissions de télévision préférées ne seront plus diffusées parce que les personnes qui y travaillent ne veulent pas continuer à manger de la merde. (Ils le remarqueront également lorsque toutes leurs célébrités préférées viendront soutenir la grève, car elles savent ce qui est bon pour elles dans une industrie largement syndiquée). Les grèves apportent une couverture médiatique et l'attention des communautés locales sur une démonstration tangible et directe du pouvoir des syndicats. C'est une chose rare et précieuse. Cette vague de grèves donnera à de nombreuses personnes l'envie d'avoir leur propre syndicat. La question est de savoir si les institutions du travail organisé - les grands syndicats et l'AFL-CIO - vont élaborer un plan pour capitaliser sur cette vague de manière systématique. Et financer ce plan. Et exécuter le plan. De cela, nous n'avons encore aucune preuve.
Cela explique pourquoi l'establishment syndical peut sembler si moribond alors que le mouvement syndical, dans son ensemble, peut sembler si dynamique et plein d'énergie. Les gens ont de l'énergie. Les gens sont en colère. Les gens sont prêts à se battre. Les institutions qui existent pour permettre ostensiblement que cela se produise sont, dans une large mesure, isolées des fluctuations de l'opinion publique dans la rue, et ne se préoccupent qu'accessoirement d'exploiter ces débordements d'énergie. Il est trop facile pour ces institutions syndicales de sourire et d'applaudir la vague de grève lorsqu'elle se produit, puis d'aller de l'avant comme toujours. Hourra ! Super ! Des grèves ! Attention ! Mais où est le plan pour organiser les 10 millions de syndiqué·es suivant·es, et où sont les ressources pour le financer ?
Quel est le plan pour l'organisation de masse, et où est l'argent pour cela ? Ce sont les questions auxquelles nous avons besoin de réponses de la part du monde syndical. Nous n'avons pas besoin d'un mois de tweets de soutien. Nous avons besoin de plusieurs centaines de millions de dollars, consacrés à une nouvelle organisation. Pour commencer.
Personne n'avait prédit cette vague de grève. (Sauf les gens qui prédisent constamment une vague de grève chaque année, et ils ne comptent pas). Quiconque prétend pouvoir prédire les fluctuations mystérieuses des mouvements sociaux ment.
Personne ne savait que la pandémie se produirait ; lorsqu'elle s'est produite, personne ne savait quelle serait la réponse économique et législative du gouvernement ; et même lorsque nous avons su quels seraient les programmes d'aide, personne n'a prédit avec précision comment l'économie américaine réagirait, ni comment cette réaction économique changerait la psyché de la main-d'œuvre américaine. Imaginer que nous pouvons concevoir ces choses à partir de rien relève d’un orgueil fatal. Ce dont nous sommes sûrs, c'est que les personnes qui se mettront en grève sont celles qui ont des syndicats.
Le mouvement syndical ne peut pas contrôler la prochaine crise sociale. Il ne peut pas non plus dicter la réponse du gouvernement. Ce qu'il peut contrôler, c'est l'organisation des gens dans des syndicats. Si nous profitons de ce moment d'enthousiasme public intense pour syndiquer un plus grand nombre de personnes, alors, lorsque la prochaine vague de grève sera possible, les gens seront en mesure de faire grève. Parce qu'ils ont des syndicats. Si nous laissons le taux de syndicalisation continuer à baisser, nous pouvons être certains que les outils vitaux fournis par les syndicats joueront un rôle de moins en moins important dans les futures crises sociales, bien qu'ils soient exactement ce dont les gens ont besoin pour bien gérer ces crises.
Les soulèvements de masse viendront toujours de la base. Ce que nous demandons à nos institutions, c'est d'être en mesure de tirer parti de ces soulèvements et de poursuivre la lutte pour la cause lorsque ces soulèvements s'éteignent. Dans le cas du mouvement ouvrier, cela signifie - avant toute autre tâche - organiser des millions et des millions de personnes supplémentaires dans des syndicats. C'est ce qui fera le succès ou l'échec du mouvement.
Selon cette norme, nous ne gagnons toujours pas, même si le moment présent est satisfaisant. #Striketober [hashtag des grévistes] est une grande chose. Ça va se terminer. Si nous voulons une décennie de grève, nous ferions mieux de nous mettre au travail.
Permettez-moi de formuler cela d'une manière plus positive : la vague actuelle d'actions de grève offensives à travers le pays est l'une des choses les plus inspirantes sur le plan politique qui se soit produite depuis des années. Mais la chose fondamentale que le mouvement syndical doit faire reste exactement la même que l'année dernière, et l'année d'avant : nous devons syndiquer beaucoup, beaucoup plus de travailleurs. Une vague de grève au sein d'un mouvement ouvrier en expansion est le germe de quelque chose de grand pour la société dans son ensemble ; une vague de grève au sein d'un mouvement ouvrier en déclin reste, malgré tous ses charmes, un fait mineur pour tous ceux qui regardent de l'extérieur. Dans une société définie par l'inégalité et l'élitisme, les syndicats risquent de ne devenir qu'un distributeur d’avantages supplémentaires pour les quelques chanceux.
La promesse et le pouvoir de ces grèves portent en eux l'impératif pour les syndicats de se développer. Tant que le taux de syndicalisation continuera de baisser, comme c'est le cas depuis le milieu du 20e siècle, la grève restera un outil inaccessible à la grande majorité des travailleurs américains. Une grève est une bombe dont le rayon d'explosion est étroitement contenu. Son plein potentiel ne sera jamais libéré si nous ne permettons pas à chacun d'en tirer les leçons. Il est formidable d'inciter des millions de travailleurs à se battre pour une vie meilleure, mais lorsque seulement 10 % d'entre eux disposent de l'outil nécessaire pour y parvenir, cette inspiration peut rapidement se transformer en cynisme et en désespoir.
La bonne nouvelle est que les grèves et les nouvelles organisations sont naturellement complémentaires. Il n'y a pas de meilleure publicité pour les avantages de l'adhésion à un syndicat qu'une grève réussie et très visible qui met à genoux un employeur autoritaire. Si l'IATSE se met en grève, [le conflit porte notamment sur les périodes de repos raisonnables, les pauses repas et un salaire décent pour ceux qui se trouvent au bas de l'échelle des salaires] l'ensemble des industries du cinéma et de la télévision s'arrêtera. C'est sacrément impressionnant, quel que soit le critère retenu.
De nombreux Américain·es ne connaissent peut-être pas grand-chose aux syndicats, mais ils et elles sauront quand leurs émissions de télévision préférées ne seront plus diffusées parce que les personnes qui y travaillent ne veulent pas continuer à manger de la merde. (Ils le remarqueront également lorsque toutes leurs célébrités préférées viendront soutenir la grève, car elles savent ce qui est bon pour elles dans une industrie largement syndiquée). Les grèves apportent une couverture médiatique et l'attention des communautés locales sur une démonstration tangible et directe du pouvoir des syndicats. C'est une chose rare et précieuse. Cette vague de grèves donnera à de nombreuses personnes l'envie d'avoir leur propre syndicat. La question est de savoir si les institutions du travail organisé - les grands syndicats et l'AFL-CIO - vont élaborer un plan pour capitaliser sur cette vague de manière systématique. Et financer ce plan. Et exécuter le plan. De cela, nous n'avons encore aucune preuve.
Cela explique pourquoi l'establishment syndical peut sembler si moribond alors que le mouvement syndical, dans son ensemble, peut sembler si dynamique et plein d'énergie. Les gens ont de l'énergie. Les gens sont en colère. Les gens sont prêts à se battre. Les institutions qui existent pour permettre ostensiblement que cela se produise sont, dans une large mesure, isolées des fluctuations de l'opinion publique dans la rue, et ne se préoccupent qu'accessoirement d'exploiter ces débordements d'énergie. Il est trop facile pour ces institutions syndicales de sourire et d'applaudir la vague de grève lorsqu'elle se produit, puis d'aller de l'avant comme toujours. Hourra ! Super ! Des grèves ! Attention ! Mais où est le plan pour organiser les 10 millions de syndiqué·es suivant·es, et où sont les ressources pour le financer ?
Quel est le plan pour l'organisation de masse, et où est l'argent pour cela ? Ce sont les questions auxquelles nous avons besoin de réponses de la part du monde syndical. Nous n'avons pas besoin d'un mois de tweets de soutien. Nous avons besoin de plusieurs centaines de millions de dollars, consacrés à une nouvelle organisation. Pour commencer.
Personne n'avait prédit cette vague de grève. (Sauf les gens qui prédisent constamment une vague de grève chaque année, et ils ne comptent pas). Quiconque prétend pouvoir prédire les fluctuations mystérieuses des mouvements sociaux ment.
Personne ne savait que la pandémie se produirait ; lorsqu'elle s'est produite, personne ne savait quelle serait la réponse économique et législative du gouvernement ; et même lorsque nous avons su quels seraient les programmes d'aide, personne n'a prédit avec précision comment l'économie américaine réagirait, ni comment cette réaction économique changerait la psyché de la main-d'œuvre américaine. Imaginer que nous pouvons concevoir ces choses à partir de rien relève d’un orgueil fatal. Ce dont nous sommes sûrs, c'est que les personnes qui se mettront en grève sont celles qui ont des syndicats.
Le mouvement syndical ne peut pas contrôler la prochaine crise sociale. Il ne peut pas non plus dicter la réponse du gouvernement. Ce qu'il peut contrôler, c'est l'organisation des gens dans des syndicats. Si nous profitons de ce moment d'enthousiasme public intense pour syndiquer un plus grand nombre de personnes, alors, lorsque la prochaine vague de grève sera possible, les gens seront en mesure de faire grève. Parce qu'ils ont des syndicats. Si nous laissons le taux de syndicalisation continuer à baisser, nous pouvons être certains que les outils vitaux fournis par les syndicats joueront un rôle de moins en moins important dans les futures crises sociales, bien qu'ils soient exactement ce dont les gens ont besoin pour bien gérer ces crises.
Les soulèvements de masse viendront toujours de la base. Ce que nous demandons à nos institutions, c'est d'être en mesure de tirer parti de ces soulèvements et de poursuivre la lutte pour la cause lorsque ces soulèvements s'éteignent. Dans le cas du mouvement ouvrier, cela signifie - avant toute autre tâche - organiser des millions et des millions de personnes supplémentaires dans des syndicats. C'est ce qui fera le succès ou l'échec du mouvement.
Selon cette norme, nous ne gagnons toujours pas, même si le moment présent est satisfaisant. #Striketober [hashtag des grévistes] est une grande chose. Ça va se terminer. Si nous voulons une décennie de grève, nous ferions mieux de nous mettre au travail.