Les enseignant·es de Buenos Aires en grève contre le néolibéralisme
Solidaires (CM)
Le gouvernement néolibéral de Buenos Aires s'est servi de la pandémie pour imposer l'austérité aux enseignant·es des écoles primaires et secondaires de la ville. Les enseignant·es argentins ripostent par une campagne de grèves tournantes.
Les enseignant·es du secondaire des écoles publiques de Buenos Aires et les syndicats qui les représentent sont engagé·es dans une bataille contre le gouvernement local sur la défense de l'emploi et les conditions de travail. Les mécanismes qui ont historiquement permis aux enseignant·es de passer d'un emploi précaire à un emploi sûr sont en train de s'effondrer. Le ministère de l'éducation et de l'innovation de la ville tente également de «moderniser» le système qui transfère le travail administratif sur les enseignant·es. Ensemble, ces développements aggravent les conditions du personnel enseignant, déjà rendues difficiles par la pandémie en cours.
Le ministère profite des taux croissants d'emplois précaires en Argentine pour aggraver les conditions de travail des enseignant·es. L'objectif de ces réformes est d'économiser l'argent du gouvernement municipal en réduisant le nombre de personnel administratif dans les écoles. Ce que le ministère appelle la modernisation signifie en réalité une augmentation de la charge de travail des enseignant·es tout en supprimant des emplois, démantelant les statuts et aggravant les conditions de travail de ceux et celles qui restent en poste.
Deux syndicats qui organisent les enseignant·es en Argentine ont lancé une campagne de grèves reconductiblesen réponse à ces changements. Le premier est le Syndicat des travailleurs de l'éducation-Confédération des travailleurs de l'éducation de la République argentine (Unión de Trabajadores de la Educación-Confederación de Trabajadores de la Educación de la República Argentina, UTE-CTERA), qui est la plus grande organisation syndicale affiliée à la Centrale des travailleurs de l'Argentine (Central de Trabajadores de la Argentina, CTA). Sa direction est alignée sur le mouvement inspiré par Nestor Kirchner, le président populiste de centre-gauche qui a gouverné l'Argentine de 2003 à 2007. L'UTE-CTERA compte également des syndicats membres alignés sur le péronisme traditionnel, le parti communiste et d'autres tendances socialistes.
Le deuxième syndicat à la tête des grèves est l'Association des enseignant·es de l'enseignement secondaire et supérieur (Asociación Docentes de Enseñanza Media y Superior, Ademys). Plus militant et indépendant du péronisme et du kirchnérisme que l'UTE-CTERA, ce syndicat organise les enseignant·es des collèges et lycées de Buenos Aires. Ademys a des liens avec le Front de gauche des travailleurs (Frente de Izquierda y de los Trabajadores, FIT), une coalition électorale réunissant quatre des organisations trotskystes argentines. Le FIT a obtenu 5,91 % des voix au niveau national lors des élections du 14 novembre en Argentine.
Ensemble, l'UTE-CTERA et Ademys font front commun contre le ministère de l'éducation de Buenos Aires en lançant une vague de grèves reconductibles, soutenues par des milliers d'enseignant·es dans toute la ville.
Les enseignant·es de Buenos Aires peuvent travailler sous trois types de contrats différents : enseignant·es suppléant·es, enseignant·es intérimaires ou enseignant·es titulaires. Chaque contrat accorde au personnel enseignant des droits différents. Si vous êtes un enseignant suppléant, par exemple, bien que vous puissiez avoir accès à des congés d'urgence de courte durée, vous ne pouvez pas prendre de congés plus longs. Vous n'avez pas non plus la possibilité de postuler à des emplois de niveau supérieur, comme celui de directeur d'école.
Les enseignant·es titulaires ont un emploi sûr. Les enseignant·es intérimaires et suppléants ont des horaires variables et peuvent être contraints de changer d'école en fonction du marché du travail. En revanche, les enseignant·es titulaires bénéficient de droits à congés plus importants et de meilleures possibilités de promotion.
Selon Celia, une déléguée de son établissement scolaire de l'UTE-CTERA a expliqué Jacobin l'organisation du travail enseignant : il existait auparavant des mécanismes permettant aux enseignant·es de passer d'un contrat de travail à l'autre. Depuis une décennie, les voies de passage d'un statut contractuel à un autre sont devenues de plus en plus difficiles. En conséquence, la plupart des enseignant·es ne savent pas s'ils ou elles pourront accéder à un emploi sûr ou si leur emploi existera même dans quelques années.
La plupart des enseignant·es intérimaires, malgré un statut contractuel précaire, travaillent à des heures régulières depuis quelques années. Les enseignant·es intérimaires en sont venu·es à espérer qu'elles et ils pourront rester en poste, même si les postes dans ce domaine offrent peu de sécurité. Le gouvernement de Buenos Aires s'apprête maintenant à promulguer des réformes qui obligeront les enseignant·es intérimaires à faire une nouvelle demande pour leurs heures de cours habituelles, sans tenir compte de leurs allocations précédentes. Comme l'a expliqué Celia, cette mesure a suscité une crainte généralisée au sein de la profession que les enseignant·es ne perdent leurs heures de cours et leurs postes :
«Nous craignons que de nombreux enseignant·es intérimaires se retrouvent sans travail. Comme de nombreux enseignant·es, je travaille chaque semaine dans quatre écoles différentes. Nous sommes tous et toutes confronté·es à l'incertitude quant au nombre d'heures dont nous disposerons et savons que nous serons confrontés à cette même incertitude. »
En 2020, le ministère de l'Éducation de Buenos Aires a introduit une nouvelle application que les enseignant·es doivent utiliser pour enregistrer les notes des élèves. «Avant l'apparition de l'application, nous enregistrions les notes et les commentaires sur les progrès des élèves soit sur papier, soit dans des tableaux Excel», explique Celia. «L'application est censée standardiser et simplifier ce travail.
Cependant, elle est extrêmement instable et n'enregistre pas facilement les commentaires.»
Pour ne rien arranger, les enseignant·es du secondaire - qui ne sont tenus d'utiliser l'application que depuis peu - estiment qu'elle est incompatible avec leurs besoins et ceux de leurs élèves. En effet, l'application, initialement développée pour les enseignant·es du primaire, n'a pas été modifiée pour l'enseignement secondaire avant sa mise en œuvre. Comme le fait remarquer Celia, cela n'a fait qu'accroître la pression sur la charge de travail :
«L'année dernière, nous avons dû travailler beaucoup plus dur en raison de la pandémie. Nous avons dû enseigner à distance pour protéger la santé des élèves, des enseignant·es, de leurs familles et de leurs communautés. Maintenant, les applis qui étaient censées réduire notre charge de travail l'ont au contraire considérablement augmentée. »
En outre, le gouvernement de Buenos Aires a également introduit l'application «Ma gestion», qui est censée gérer les allocations de congés du personnel, remplaçant ainsi le travail effectué auparavant par les secrétaires dans les écoles. Selon Celia :
«Nous avons eu des problèmes avec l'application qui ne vous permet pas de prendre le congé approprié. Lorsque j'ai été malade l'année dernière, l'application n'a pas accepté mon certificat médical émis par l'hôpital, et j'ai dû entrer un autre type de congé plutôt qu'un congé maladie. »
Ce n'est pas la première lutte que les enseignant·es mènent contre le gouvernement de Buenos Aires. Au cours de l'année dernière, le gouvernement municipal de la ville autonome de Buenos Aires (Ciudad Autónoma de Buenos Aires, CABA), dirigé par Horacio Rodríguez Larreta, s'est retrouvé à couteaux tirés avec le gouvernement fédéral argentin, dirigé par le président Alberto Fernández. Le différend portait sur les positions respectives que le gouvernement local et le gouvernement national souhaitaient adopter face à la pandémie, notamment en matière d'éducation.
Pour situer le contexte, M. Larreta est membre de Propuesta Republicana, qui fait partie de la coalition «Ensemble pour le changement», le principal bloc néolibéral de centre-droit en Argentine. Fernández - qui a succédé aux administrations Kirchner - s'inscrit dans la tradition péroniste argentine de gauche et populiste.
L'administration de Fernández, tout comme les gouvernements Kirchner qui l'ont précédé, a cherché à affirmer la souveraineté nationale argentine contre les accords de libre-échange imposés par les États-Unis. Le président et ses prédécesseurs ont tenté de combiner développement économique et mesures redistributives en imposant des protections à l'industrie argentine. Ils ont également tenté de sévir contre les multinationales et les oligarques basés en Argentine, qui évitent les impôts en transférant leurs richesses dans des paradis offshore.
À l'instar des gouvernements néolibéraux du monde entier, Larreta s'est opposé aux efforts du gouvernement Fernández pour éradiquer le Covid-19. En avril de cette année, l'Argentine a été confrontée à un taux de 27 000 infections par jour. Le gouvernement Fernández a appelé à un retour à l'enseignement à distance. Le gouvernement de Buenos Aires s'est toutefois opposé au président et a tenté de forcer les enseignant·es à retourner en classe. En réponse, les enseignant·es de la ville ont fait grève pendant trois semaines pour protéger leur santé et celle de leurs élèves.
En plus de privilégier la gestion des affaires courantes au détriment de la santé publique, le gouvernement de Larreta voulait également perturber les mesures de gestion de la pandémie prises par l'administration de Fernández avant les élections du 14 novembre en Argentine. Les résultats de ces élections ont constitué un revers pour la gauche, la coalition Ensemble pour le changement ayant considérablement augmenté sa part de sièges. Parallèlement, le Front populaire de Fernández a perdu le contrôle du Congrès.
La campagne des enseignant·es a démarré lentement, en partie à cause des risques associés au Covid-19. Les enseignant·es et leurs soutiens craignaient, à juste titre, de propager l'infection, ce qui a réduit l'ampleur de leurs manifestations, une situation qui s'est reproduite dans d'autres mouvements sociaux de Buenos Aires.
Au fur et à mesure que la campagne s'est poursuivie, la mobilisation a pris de l'ampleur, en raison de la peur et de la frustration croissantes des enseignant·es. Le refus du gouvernement municipal de Buenos Aires de tenir compte des préoccupations des enseignant·es a galvanisé l'opposition, entraînant des manifestations et des grèves plus importantes. La mobilisation du 23 novembre était, selon Celia, «la plus importante à laquelle j'ai assisté depuis 2019» - un fait qui est presque certainement dû à la position intransigeante du gouvernement de la ville.
La lutte des enseignant·es de Buenos Aires va au-delà des questions liées au lieu de travail et a des conséquences sur la politique dans toute l'Argentine. L'attaque du gouvernement de la ville contre les enseignant·es est un avant-goût de ce que tous les travailleur·euses argentin·es - et en particulier ceux et celles du secteur public - peuvent attendre si la coalition Ensemble pour le changement arrive au pouvoir.
Si les enseignant·es organisé·es par l’UTE-CTERA et Ademys gagnent, leur lutte pourrait devenir une lueur d'espoir pour les forces progressistes de tout le pays. La victoire montrerait qu'il est possible de vaincre les attaques néolibérales et d'améliorer les conditions de travail, même sous des gouvernements de droite.
Les enseignant·es du secondaire des écoles publiques de Buenos Aires et les syndicats qui les représentent sont engagé·es dans une bataille contre le gouvernement local sur la défense de l'emploi et les conditions de travail. Les mécanismes qui ont historiquement permis aux enseignant·es de passer d'un emploi précaire à un emploi sûr sont en train de s'effondrer. Le ministère de l'éducation et de l'innovation de la ville tente également de «moderniser» le système qui transfère le travail administratif sur les enseignant·es. Ensemble, ces développements aggravent les conditions du personnel enseignant, déjà rendues difficiles par la pandémie en cours.
Le ministère profite des taux croissants d'emplois précaires en Argentine pour aggraver les conditions de travail des enseignant·es. L'objectif de ces réformes est d'économiser l'argent du gouvernement municipal en réduisant le nombre de personnel administratif dans les écoles. Ce que le ministère appelle la modernisation signifie en réalité une augmentation de la charge de travail des enseignant·es tout en supprimant des emplois, démantelant les statuts et aggravant les conditions de travail de ceux et celles qui restent en poste.
Deux syndicats qui organisent les enseignant·es en Argentine ont lancé une campagne de grèves reconductiblesen réponse à ces changements. Le premier est le Syndicat des travailleurs de l'éducation-Confédération des travailleurs de l'éducation de la République argentine (Unión de Trabajadores de la Educación-Confederación de Trabajadores de la Educación de la República Argentina, UTE-CTERA), qui est la plus grande organisation syndicale affiliée à la Centrale des travailleurs de l'Argentine (Central de Trabajadores de la Argentina, CTA). Sa direction est alignée sur le mouvement inspiré par Nestor Kirchner, le président populiste de centre-gauche qui a gouverné l'Argentine de 2003 à 2007. L'UTE-CTERA compte également des syndicats membres alignés sur le péronisme traditionnel, le parti communiste et d'autres tendances socialistes.
Le deuxième syndicat à la tête des grèves est l'Association des enseignant·es de l'enseignement secondaire et supérieur (Asociación Docentes de Enseñanza Media y Superior, Ademys). Plus militant et indépendant du péronisme et du kirchnérisme que l'UTE-CTERA, ce syndicat organise les enseignant·es des collèges et lycées de Buenos Aires. Ademys a des liens avec le Front de gauche des travailleurs (Frente de Izquierda y de los Trabajadores, FIT), une coalition électorale réunissant quatre des organisations trotskystes argentines. Le FIT a obtenu 5,91 % des voix au niveau national lors des élections du 14 novembre en Argentine.
Ensemble, l'UTE-CTERA et Ademys font front commun contre le ministère de l'éducation de Buenos Aires en lançant une vague de grèves reconductibles, soutenues par des milliers d'enseignant·es dans toute la ville.
La lutte contre la précarité
Les enseignant·es de Buenos Aires peuvent travailler sous trois types de contrats différents : enseignant·es suppléant·es, enseignant·es intérimaires ou enseignant·es titulaires. Chaque contrat accorde au personnel enseignant des droits différents. Si vous êtes un enseignant suppléant, par exemple, bien que vous puissiez avoir accès à des congés d'urgence de courte durée, vous ne pouvez pas prendre de congés plus longs. Vous n'avez pas non plus la possibilité de postuler à des emplois de niveau supérieur, comme celui de directeur d'école.
Les enseignant·es titulaires ont un emploi sûr. Les enseignant·es intérimaires et suppléants ont des horaires variables et peuvent être contraints de changer d'école en fonction du marché du travail. En revanche, les enseignant·es titulaires bénéficient de droits à congés plus importants et de meilleures possibilités de promotion.
Selon Celia, une déléguée de son établissement scolaire de l'UTE-CTERA a expliqué Jacobin l'organisation du travail enseignant : il existait auparavant des mécanismes permettant aux enseignant·es de passer d'un contrat de travail à l'autre. Depuis une décennie, les voies de passage d'un statut contractuel à un autre sont devenues de plus en plus difficiles. En conséquence, la plupart des enseignant·es ne savent pas s'ils ou elles pourront accéder à un emploi sûr ou si leur emploi existera même dans quelques années.
La plupart des enseignant·es intérimaires, malgré un statut contractuel précaire, travaillent à des heures régulières depuis quelques années. Les enseignant·es intérimaires en sont venu·es à espérer qu'elles et ils pourront rester en poste, même si les postes dans ce domaine offrent peu de sécurité. Le gouvernement de Buenos Aires s'apprête maintenant à promulguer des réformes qui obligeront les enseignant·es intérimaires à faire une nouvelle demande pour leurs heures de cours habituelles, sans tenir compte de leurs allocations précédentes. Comme l'a expliqué Celia, cette mesure a suscité une crainte généralisée au sein de la profession que les enseignant·es ne perdent leurs heures de cours et leurs postes :
«Nous craignons que de nombreux enseignant·es intérimaires se retrouvent sans travail. Comme de nombreux enseignant·es, je travaille chaque semaine dans quatre écoles différentes. Nous sommes tous et toutes confronté·es à l'incertitude quant au nombre d'heures dont nous disposerons et savons que nous serons confrontés à cette même incertitude. »
En 2020, le ministère de l'Éducation de Buenos Aires a introduit une nouvelle application que les enseignant·es doivent utiliser pour enregistrer les notes des élèves. «Avant l'apparition de l'application, nous enregistrions les notes et les commentaires sur les progrès des élèves soit sur papier, soit dans des tableaux Excel», explique Celia. «L'application est censée standardiser et simplifier ce travail.
Cependant, elle est extrêmement instable et n'enregistre pas facilement les commentaires.»
Pour ne rien arranger, les enseignant·es du secondaire - qui ne sont tenus d'utiliser l'application que depuis peu - estiment qu'elle est incompatible avec leurs besoins et ceux de leurs élèves. En effet, l'application, initialement développée pour les enseignant·es du primaire, n'a pas été modifiée pour l'enseignement secondaire avant sa mise en œuvre. Comme le fait remarquer Celia, cela n'a fait qu'accroître la pression sur la charge de travail :
«L'année dernière, nous avons dû travailler beaucoup plus dur en raison de la pandémie. Nous avons dû enseigner à distance pour protéger la santé des élèves, des enseignant·es, de leurs familles et de leurs communautés. Maintenant, les applis qui étaient censées réduire notre charge de travail l'ont au contraire considérablement augmentée. »
En outre, le gouvernement de Buenos Aires a également introduit l'application «Ma gestion», qui est censée gérer les allocations de congés du personnel, remplaçant ainsi le travail effectué auparavant par les secrétaires dans les écoles. Selon Celia :
«Nous avons eu des problèmes avec l'application qui ne vous permet pas de prendre le congé approprié. Lorsque j'ai été malade l'année dernière, l'application n'a pas accepté mon certificat médical émis par l'hôpital, et j'ai dû entrer un autre type de congé plutôt qu'un congé maladie. »
Le contexte politique
Ce n'est pas la première lutte que les enseignant·es mènent contre le gouvernement de Buenos Aires. Au cours de l'année dernière, le gouvernement municipal de la ville autonome de Buenos Aires (Ciudad Autónoma de Buenos Aires, CABA), dirigé par Horacio Rodríguez Larreta, s'est retrouvé à couteaux tirés avec le gouvernement fédéral argentin, dirigé par le président Alberto Fernández. Le différend portait sur les positions respectives que le gouvernement local et le gouvernement national souhaitaient adopter face à la pandémie, notamment en matière d'éducation.
Pour situer le contexte, M. Larreta est membre de Propuesta Republicana, qui fait partie de la coalition «Ensemble pour le changement», le principal bloc néolibéral de centre-droit en Argentine. Fernández - qui a succédé aux administrations Kirchner - s'inscrit dans la tradition péroniste argentine de gauche et populiste.
L'administration de Fernández, tout comme les gouvernements Kirchner qui l'ont précédé, a cherché à affirmer la souveraineté nationale argentine contre les accords de libre-échange imposés par les États-Unis. Le président et ses prédécesseurs ont tenté de combiner développement économique et mesures redistributives en imposant des protections à l'industrie argentine. Ils ont également tenté de sévir contre les multinationales et les oligarques basés en Argentine, qui évitent les impôts en transférant leurs richesses dans des paradis offshore.
À l'instar des gouvernements néolibéraux du monde entier, Larreta s'est opposé aux efforts du gouvernement Fernández pour éradiquer le Covid-19. En avril de cette année, l'Argentine a été confrontée à un taux de 27 000 infections par jour. Le gouvernement Fernández a appelé à un retour à l'enseignement à distance. Le gouvernement de Buenos Aires s'est toutefois opposé au président et a tenté de forcer les enseignant·es à retourner en classe. En réponse, les enseignant·es de la ville ont fait grève pendant trois semaines pour protéger leur santé et celle de leurs élèves.
En plus de privilégier la gestion des affaires courantes au détriment de la santé publique, le gouvernement de Larreta voulait également perturber les mesures de gestion de la pandémie prises par l'administration de Fernández avant les élections du 14 novembre en Argentine. Les résultats de ces élections ont constitué un revers pour la gauche, la coalition Ensemble pour le changement ayant considérablement augmenté sa part de sièges. Parallèlement, le Front populaire de Fernández a perdu le contrôle du Congrès.
Le combat continue
La campagne des enseignant·es a démarré lentement, en partie à cause des risques associés au Covid-19. Les enseignant·es et leurs soutiens craignaient, à juste titre, de propager l'infection, ce qui a réduit l'ampleur de leurs manifestations, une situation qui s'est reproduite dans d'autres mouvements sociaux de Buenos Aires.
Au fur et à mesure que la campagne s'est poursuivie, la mobilisation a pris de l'ampleur, en raison de la peur et de la frustration croissantes des enseignant·es. Le refus du gouvernement municipal de Buenos Aires de tenir compte des préoccupations des enseignant·es a galvanisé l'opposition, entraînant des manifestations et des grèves plus importantes. La mobilisation du 23 novembre était, selon Celia, «la plus importante à laquelle j'ai assisté depuis 2019» - un fait qui est presque certainement dû à la position intransigeante du gouvernement de la ville.
La lutte des enseignant·es de Buenos Aires va au-delà des questions liées au lieu de travail et a des conséquences sur la politique dans toute l'Argentine. L'attaque du gouvernement de la ville contre les enseignant·es est un avant-goût de ce que tous les travailleur·euses argentin·es - et en particulier ceux et celles du secteur public - peuvent attendre si la coalition Ensemble pour le changement arrive au pouvoir.
Si les enseignant·es organisé·es par l’UTE-CTERA et Ademys gagnent, leur lutte pourrait devenir une lueur d'espoir pour les forces progressistes de tout le pays. La victoire montrerait qu'il est possible de vaincre les attaques néolibérales et d'améliorer les conditions de travail, même sous des gouvernements de droite.