Les autorités cambodgiennes arrêtent des employé·es de casino en grève contre une société cotée à Hong Kong
Solidaires (CM)
Des centaines d'employé·es de casino sont en grève depuis décembre, et plus de deux douzaines d'entre eux et elles ont été arrêtés, dont Chhim Sithar, le président du syndicat. Des centaines de travailleur·euses actif·ves, récemment licencié·es du casino NagaWorld au Cambodge, sont en grève depuis le 18 décembre 2021. Parmi leurs nombreuses revendications figure le paiement d'indemnités de licenciement datant de 2009.
Les autorités cambodgiennes ont arrêté plus de deux douzaines de personnes lors de trois tentatives distinctes de répression de la grève. Le 18e jour de la grève, des agents en civil ont assailli la présidente du syndicat, Chhim Sithar, à son arrivée. Des vidéos filmées les 3 et 4 janvier montrent les autorités empoignant et bousculant des travailleur·euses. Une syndicaliste enceinte figurait parmi les personnes arrêtées le 3 janvier, mais elle a été relâchée dans la soirée. Sithar a été arrêtée le 4 janvier.
Dès le départ, le tribunal municipal et l'hôtel de ville de Phnom Penh ont estimé que la grève constituait une violation des lois cambodgiennes. Ils ont engagé des négociations entre le syndicat et l'employeur coté à Hong Kong, qui ont achoppé pendant la première semaine de grève.
La direction de NagaWorld a déclaré aux travailleur·euses, au dixième jour de la grève, que les participant·es s'exposeraient à des mesures disciplinaires, voire à un licenciement.
La société mère du casino, Nagacorp, est cotée à Hong Kong. Elle est présidée et détenue majoritairement par le milliardaire malaisien Chen Lip Keong. Elle a déclaré des pertes de 77 millions de dollars américains au cours du premier semestre de 2021, après que Phnom Penh a été confinée et mise en quarantaine pour les voyages internationaux. C'était la première fois que la société déclarait des pertes. Avant la pandémie, Nagacorp a réalisé 102,3 millions de dollars de bénéfices en 2020 et plus de 521,3 millions de dollars en 2019.
En avril de l'année dernière, le casino a annoncé qu'il prévoyait de licencier 1 329 personnes, une mesure qu'il jugeait nécessaire en raison de l'impact financier de la pandémie de Covid-19.
Parmi les personnes licenciées en mai figuraient tous les organisateurs et membres actifs du Labor Rights Supported Union of Khmer NagaWorld Employees (LRSU), ce que le syndicat a décrit comme une tentative de démantèlement syndical.
Seul·es 365 employé·es n'ont pas accepté les indemnités, exigeant au contraire leur réintégration et demandant à la société de recalculer les indemnités de licenciement conformément au droit du travail cambodgien. Le syndicat a également fait remarquer que l'entreprise a poursuivi ses projets de développement d'un nouveau complexe de casinos d'une valeur de 3,5 milliards de dollars, appelé Naga 3, malgré les allégations de détresse financière. Les grévistes ont brandi des pancartes représentant Naga 3 et le PDG de la société, Chen Lip Keong, ainsi que son président, Timothy Patrick McNally. Les dirigeants syndicaux se sont adressés au Conseil d'arbitrage du Cambodge, un processus non contraignant de résolution des conflits, en se concentrant sur les licenciements et les erreurs de calcul des indemnités. Le Conseil d'arbitrage ne s'est pas prononcé sur la légalité des licenciements, mais a décidé que NagaWorld devait recalculer les indemnités de licenciement afin de respecter les dispositions du droit du travail relatives à l'indemnité d'ancienneté et aux avantages sociaux. Mais après le jugement, la société n'a toujours pas modifié les indemnités pour tous les travailleur·euses licenciés.
Le 22 novembre, le syndicat a annoncé qu'il entamerait une grève le 18 décembre. Il a demandé à la société d'étendre les pleins droits aux travailleur·euses contractuels, de traiter une affaire de harcèlement impliquant un cadre et de reconsidérer les licenciements passés de travailleur·euses syndiqué·es.
Depuis le 21 décembre, l'entreprise, le syndicat et les représentants du gouvernement se sont rencontrés pour discuter de la réintégration des 365 travailleur·euses qui veulent retrouver leur emploi. Les négociations ont porté sur le réembauchage des 365 travailleur·euses et le calcul des indemnités pour ceux qui ont accepté de partir en mai.
Le 26 décembre, avant son arrestation, la présidente du syndicat, Mme Sithar, a fait part de ses frustrations quant à la portée limitée de ces discussions, qui n'englobaient pas huit autres revendications des travailleur·euses.
Avant les premières arrestations, Sithar a déclaré : «Les travailleur·euses ne sont pas payés pendant la grève, et nous ne voulons pas que cette grève se prolonge.»
Les grévistes ont modifié l'heure à laquelle ils et elles manifestent afin d'attirer davantage l'attention le soir, lorsque la société allume les lumières de Noël dans le parc situé en face du bâtiment du casino. Les travailleur·euses avaient l'intention de maintenir la grève jusqu'après minuit le soir du Nouvel An, mais les autorités ont arrêté neuf membres du syndicat devant le bureau du syndicat le soir même. Le 3 janvier, le procureur a délivré une convocation à neuf dirigeant·es du syndciat LRSU, dont Sithar, bien que six des dirigeant·es cité·es aient déjà été arrêté·es.
Dans une tentative de dernière minute pour empêcher la grève, la mairie de Phnom Penh a convoqué les dirigeant·es de la LRSU à une réunion le 17 décembre. Cependant, les membres du syndicat ont voté en faveur de la poursuite de l'action, la direction de NagaWorld n'étant pas à la table des négociations, a déclaré la LRSU aux médias locaux.
Le tribunal municipal de Phnom Penh a admonesté les grévistes, déclarant que les travailleur·euses salarié·es participant à la grève pourraient subir des répercussions, tandis que ceux et celles déjà licenciés pourraient faire l'objet d'une action en justice.
La mairie de Phnom Penh a également déclaré le 18 décembre que la grève violait la loi cambodgienne sur les manifestations pacifiques. Elle a également affirmé que les grévistes ne suivaient pas correctement les mesures sanitaires Covid-19, bien que le premier ministre ait déclaré que la transmission était terminée.
«Nous sommes très clairs sur le fait qu'il s'agit d'une grève, et nous avons respecté toutes les exigences légales», a déclaré Sithar le 26 décembre. Elle a déclaré que lors des réunions, des responsables ont tenté de menacer le syndicat, lui disant qu'elle était «têtue».
Des comptes Facebook anonymes ont affirmé que des forces étrangères avaient organisé la grève. Heng Sour, porte-parole du ministère du Travail, a assimilé les mouvements à une «révolution de couleur». La police a tenu une conférence de presse avant l'arrestation de Sithar le 4 janvier, au cours de laquelle elle a présenté des preuves présumées du financement étranger du «chaos» provoqué par le syndicat.
Sithar a qualifié cette représentation de la grève de «tactique très sale» avant d'être arrêtée. «Si les autorités et le ministère du Travail n'ont pas la capacité de régler cette question, n'en faites pas une autre. C'est très peu professionnel et très irresponsable de leur part en tant que fonctionnaires du gouvernement.»
La direction de NagaWorld n'a assisté qu'à deux des réunions avec les travailleur·euses, ce qui a frustré ces dernier·es. Bien que les fonctionnaires du ministère du Travail affirment que leur présence contribuera à la réconciliation, Sithar pense que c'est l'entreprise qui devrait venir à la table et entendre leurs demandes, plutôt que le ministère.
«Nous entendons très peu de choses de la part de la société, ce qui montre qu'elle n'a aucune envie de résoudre ce problème», a déclaré Mme Sithar avant son arrestation.
Le syndicat des travailleur·euses
Sithar affirme que l'entreprise a continuellement ciblé les travailleur·euses syndiqué·es. En 2019 et 2020, les travailleur·euses en grève ont dû demander pour qu'elle soit réintégrée en tant que présidente du syndicat.
Actuellement, aucun dirigeant·e syndical·esne figure parmi les personnes employées et l'entreprise n'envisage pas sérieusement de réembaucher les personnes licenciées.
Noun Srey Net, croupière à NagaWorld, a déclaré qu'elle ne connaissait pas ses droits en tant que travailleuse. Elle travaille désormais 15 jours par mois et gagne moins qu'avant, alors que sa charge de travail est passée de deux à huit tables. Malgré ses protestations et la charge de travail supplémentaire, elle affirme que si elle commet une erreur en gérant une table, elle peut être mise en congé ou suspendue. Elle a participé à tous les jours de la grève.
«Le syndicat peut nous aider à résoudre les problèmes», dit-elle. «Ils sont reconnus et connaissent beaucoup mieux la loi ou la discipline».
Avant d'être convoquée par le procureur et arrêtée, Ry Sovandy, l'une des 276 travailleur·euses qui demandent sa réintégration, a déclaré qu'elle était devenue organisatrice syndicale au cours de ses 15 années de travail chez NagaWorld, mais qu'elle souhaitait avant tout reprendre le travail car sa famille dépendait de son revenu.
«Je ne veux pas partir pour n'importe quel travail», a-t-elle dit. «Si je veux aller dans un autre endroit, c'est comme si je recommençais depuis le début».
Sithar affirme que NagaWorld viole clairement la loi sur le travail et s'en prend aux organisateur·trices et dirigeant·es syndicaux de la LRSU. Certains membres du syndicat sont toujours employé·es, mais NagaWorld en a licencié beaucoup dans le but d'affaiblir la solidarité entre les travailleur·euses.
Les autorités cambodgiennes ont arrêté plus de deux douzaines de personnes lors de trois tentatives distinctes de répression de la grève. Le 18e jour de la grève, des agents en civil ont assailli la présidente du syndicat, Chhim Sithar, à son arrivée. Des vidéos filmées les 3 et 4 janvier montrent les autorités empoignant et bousculant des travailleur·euses. Une syndicaliste enceinte figurait parmi les personnes arrêtées le 3 janvier, mais elle a été relâchée dans la soirée. Sithar a été arrêtée le 4 janvier.
Dès le départ, le tribunal municipal et l'hôtel de ville de Phnom Penh ont estimé que la grève constituait une violation des lois cambodgiennes. Ils ont engagé des négociations entre le syndicat et l'employeur coté à Hong Kong, qui ont achoppé pendant la première semaine de grève.
La direction de NagaWorld a déclaré aux travailleur·euses, au dixième jour de la grève, que les participant·es s'exposeraient à des mesures disciplinaires, voire à un licenciement.
La société mère du casino, Nagacorp, est cotée à Hong Kong. Elle est présidée et détenue majoritairement par le milliardaire malaisien Chen Lip Keong. Elle a déclaré des pertes de 77 millions de dollars américains au cours du premier semestre de 2021, après que Phnom Penh a été confinée et mise en quarantaine pour les voyages internationaux. C'était la première fois que la société déclarait des pertes. Avant la pandémie, Nagacorp a réalisé 102,3 millions de dollars de bénéfices en 2020 et plus de 521,3 millions de dollars en 2019.
En avril de l'année dernière, le casino a annoncé qu'il prévoyait de licencier 1 329 personnes, une mesure qu'il jugeait nécessaire en raison de l'impact financier de la pandémie de Covid-19.
Parmi les personnes licenciées en mai figuraient tous les organisateurs et membres actifs du Labor Rights Supported Union of Khmer NagaWorld Employees (LRSU), ce que le syndicat a décrit comme une tentative de démantèlement syndical.
Seul·es 365 employé·es n'ont pas accepté les indemnités, exigeant au contraire leur réintégration et demandant à la société de recalculer les indemnités de licenciement conformément au droit du travail cambodgien. Le syndicat a également fait remarquer que l'entreprise a poursuivi ses projets de développement d'un nouveau complexe de casinos d'une valeur de 3,5 milliards de dollars, appelé Naga 3, malgré les allégations de détresse financière. Les grévistes ont brandi des pancartes représentant Naga 3 et le PDG de la société, Chen Lip Keong, ainsi que son président, Timothy Patrick McNally. Les dirigeants syndicaux se sont adressés au Conseil d'arbitrage du Cambodge, un processus non contraignant de résolution des conflits, en se concentrant sur les licenciements et les erreurs de calcul des indemnités. Le Conseil d'arbitrage ne s'est pas prononcé sur la légalité des licenciements, mais a décidé que NagaWorld devait recalculer les indemnités de licenciement afin de respecter les dispositions du droit du travail relatives à l'indemnité d'ancienneté et aux avantages sociaux. Mais après le jugement, la société n'a toujours pas modifié les indemnités pour tous les travailleur·euses licenciés.
Le 22 novembre, le syndicat a annoncé qu'il entamerait une grève le 18 décembre. Il a demandé à la société d'étendre les pleins droits aux travailleur·euses contractuels, de traiter une affaire de harcèlement impliquant un cadre et de reconsidérer les licenciements passés de travailleur·euses syndiqué·es.
Depuis le 21 décembre, l'entreprise, le syndicat et les représentants du gouvernement se sont rencontrés pour discuter de la réintégration des 365 travailleur·euses qui veulent retrouver leur emploi. Les négociations ont porté sur le réembauchage des 365 travailleur·euses et le calcul des indemnités pour ceux qui ont accepté de partir en mai.
Le 26 décembre, avant son arrestation, la présidente du syndicat, Mme Sithar, a fait part de ses frustrations quant à la portée limitée de ces discussions, qui n'englobaient pas huit autres revendications des travailleur·euses.
Avant les premières arrestations, Sithar a déclaré : «Les travailleur·euses ne sont pas payés pendant la grève, et nous ne voulons pas que cette grève se prolonge.»
Les grévistes ont modifié l'heure à laquelle ils et elles manifestent afin d'attirer davantage l'attention le soir, lorsque la société allume les lumières de Noël dans le parc situé en face du bâtiment du casino. Les travailleur·euses avaient l'intention de maintenir la grève jusqu'après minuit le soir du Nouvel An, mais les autorités ont arrêté neuf membres du syndicat devant le bureau du syndicat le soir même. Le 3 janvier, le procureur a délivré une convocation à neuf dirigeant·es du syndciat LRSU, dont Sithar, bien que six des dirigeant·es cité·es aient déjà été arrêté·es.
Intervention du gouvernement
Dans une tentative de dernière minute pour empêcher la grève, la mairie de Phnom Penh a convoqué les dirigeant·es de la LRSU à une réunion le 17 décembre. Cependant, les membres du syndicat ont voté en faveur de la poursuite de l'action, la direction de NagaWorld n'étant pas à la table des négociations, a déclaré la LRSU aux médias locaux.
Le tribunal municipal de Phnom Penh a admonesté les grévistes, déclarant que les travailleur·euses salarié·es participant à la grève pourraient subir des répercussions, tandis que ceux et celles déjà licenciés pourraient faire l'objet d'une action en justice.
La mairie de Phnom Penh a également déclaré le 18 décembre que la grève violait la loi cambodgienne sur les manifestations pacifiques. Elle a également affirmé que les grévistes ne suivaient pas correctement les mesures sanitaires Covid-19, bien que le premier ministre ait déclaré que la transmission était terminée.
«Nous sommes très clairs sur le fait qu'il s'agit d'une grève, et nous avons respecté toutes les exigences légales», a déclaré Sithar le 26 décembre. Elle a déclaré que lors des réunions, des responsables ont tenté de menacer le syndicat, lui disant qu'elle était «têtue».
Des comptes Facebook anonymes ont affirmé que des forces étrangères avaient organisé la grève. Heng Sour, porte-parole du ministère du Travail, a assimilé les mouvements à une «révolution de couleur». La police a tenu une conférence de presse avant l'arrestation de Sithar le 4 janvier, au cours de laquelle elle a présenté des preuves présumées du financement étranger du «chaos» provoqué par le syndicat.
Sithar a qualifié cette représentation de la grève de «tactique très sale» avant d'être arrêtée. «Si les autorités et le ministère du Travail n'ont pas la capacité de régler cette question, n'en faites pas une autre. C'est très peu professionnel et très irresponsable de leur part en tant que fonctionnaires du gouvernement.»
La direction de NagaWorld n'a assisté qu'à deux des réunions avec les travailleur·euses, ce qui a frustré ces dernier·es. Bien que les fonctionnaires du ministère du Travail affirment que leur présence contribuera à la réconciliation, Sithar pense que c'est l'entreprise qui devrait venir à la table et entendre leurs demandes, plutôt que le ministère.
«Nous entendons très peu de choses de la part de la société, ce qui montre qu'elle n'a aucune envie de résoudre ce problème», a déclaré Mme Sithar avant son arrestation.
Le syndicat des travailleur·euses
Sithar affirme que l'entreprise a continuellement ciblé les travailleur·euses syndiqué·es. En 2019 et 2020, les travailleur·euses en grève ont dû demander pour qu'elle soit réintégrée en tant que présidente du syndicat.
Actuellement, aucun dirigeant·e syndical·esne figure parmi les personnes employées et l'entreprise n'envisage pas sérieusement de réembaucher les personnes licenciées.
Noun Srey Net, croupière à NagaWorld, a déclaré qu'elle ne connaissait pas ses droits en tant que travailleuse. Elle travaille désormais 15 jours par mois et gagne moins qu'avant, alors que sa charge de travail est passée de deux à huit tables. Malgré ses protestations et la charge de travail supplémentaire, elle affirme que si elle commet une erreur en gérant une table, elle peut être mise en congé ou suspendue. Elle a participé à tous les jours de la grève.
«Le syndicat peut nous aider à résoudre les problèmes», dit-elle. «Ils sont reconnus et connaissent beaucoup mieux la loi ou la discipline».
Avant d'être convoquée par le procureur et arrêtée, Ry Sovandy, l'une des 276 travailleur·euses qui demandent sa réintégration, a déclaré qu'elle était devenue organisatrice syndicale au cours de ses 15 années de travail chez NagaWorld, mais qu'elle souhaitait avant tout reprendre le travail car sa famille dépendait de son revenu.
«Je ne veux pas partir pour n'importe quel travail», a-t-elle dit. «Si je veux aller dans un autre endroit, c'est comme si je recommençais depuis le début».
Sithar affirme que NagaWorld viole clairement la loi sur le travail et s'en prend aux organisateur·trices et dirigeant·es syndicaux de la LRSU. Certains membres du syndicat sont toujours employé·es, mais NagaWorld en a licencié beaucoup dans le but d'affaiblir la solidarité entre les travailleur·euses.