Des travailleuses de l'habillement arrêtées après avoir demandé une augmentation de salaire
Han ThitJune- - Traduction : Patrick Le Tréhondat
Après avoir menacé les travailleur·euses qui protestaient contre le licenciement de responsables syndicales d'une usine de confection à Yangon et pour avoir réclamé une meilleure rémunération, la junte du Myanmar a arrêté deux des responsables syndicales mercredi.
Sept travailleur·euses ont été licencié·es le 10 juin après que des employé·es de l'usine de vêtements Hosheng Myanmar, située dans le township de Shwepyithar à Yangon, qui appartient à un ressortissant chinois et produit des vêtements pour la multinationale espagnole ZARA, aient demandé une augmentation de salaire. Plus de 600 travailleur·euses ont organisé une manifestation de soutien aux dirigeantes licenciées lundi, deux jours après leur licenciement.
Thu Thu San, 29 ans, travaillait à l'usine depuis près de deux ans lorsqu'elle a été licenciée. Elle a été arrêtée quatre jours seulement après son licenciement, en même temps qu'une autre femme qui avait perdu son emploi à l'usine. Les collègues de Thu Thu San ont déclaré que le lieu de sa détention n'était pas clair.
«Ils ont dit aux deux femmes de descendre de la voiture lorsqu'elle est arrivée au poste de police. Ensuite, ils ont dit à l'autre femme d'aller s'asseoir quelque part, ont ordonné à Thu San de remonter dans la voiture et sont partis», a déclaré un homme qui travaillait à l'usine et qui a requis l'anonymat.
Myanmar Labour News a rapporté mardi que des policiers, des soldats et d'autres personnes d'appartenance inconnue étaient venus proférer des menaces à l'encontre des travailleur·euses lors de leur manifestation de la veille. L'un d'entre eux a crié que cette commune était placée sous la loi martiale. «C'est une zone sous loi martiale», dit l'homme dans un enregistrement audio dont le lien figure dans un article de Myanmar Labour News. «Les règles ne sont pas les mêmes ici. Votre petit syndicat ne signifie rien sous la loi martiale». Le régime putschiste a déclaré la loi martiale à Shwepyithar et dans d'autres communes de Yangon en mars 2021 après des manifestations populaires massives contre leur prise de pouvoir. Myanmar Labour News rapporte également que des membres armés de la junte se trouvaient dans l'usine lundi avant le début de la manifestation.
«Ils étaient déjà à l'usine avant l'arrivée des travailleur·euses. D'autres sont arrivés après le rassemblement des travailleur·euses. Ils étaient très impolis et hostiles», a déclaré l'ancien collègue des dirigeants syndicaux. Le personnel de la junte a fouillé la chambre de Thu Thu San à la recherche de son téléphone portable mercredi soir, selon un autre travailleur.
«Ils cherchaient son logement. Ils n'arrêtaient pas de poser des questions agressives, si bien que nous avons dû nous y rendre la nuit et leur donner le téléphone. Ils ont également commencé à surveiller le dortoir et certaines filles ne veulent plus y vivre à cause de cela. Ils ont également trouvé un livre sur le droit du travail dans sa chambre et l'ont pris», a ajouté le travailleur. Plusieurs travailleur·euses, dont Thu Thu San, ont demandé au département du travail du régime l'autorisation de former un syndicat. Le département a retardé l'approbation de la demande au motif que l'un des pétitionnaires était âgé de moins de 18 ans depuis quelques mois.
Les dirigeants syndicaux, qui avaient demandé un salaire journalier de 5600 kyats (2,29 euros) et 1400 kyats par heure supplémentaire, ont été licenciés bien que la direction de l'usine ait accepté d'augmenter les salaires le 1er juin. Selon leurs collègues, les militantes ont été licenciées après avoir demandé un contrat de travail stipulant les nouvelles conditions.
La fédération syndicale internationale IndustriALL Global Union a publié une déclaration condamnant la décision des employeurs de licencier les organisateurs. Atle Høie, secrétaire général de la fédération, a déclaré que l'intimidation et l'arrestation des travailleur·euses protestataires par l'armée montraient clairement qu'il n'existait pas de véritable droit de se syndiquer au Myanmar.
«Les travailleuses licenciées doivent être immédiatement réintégrées et ne doivent pas faire l'objet de menaces ou d'agressions de la part des employeurs, de la police ou des soldats. Thu Thu San doit être renvoyée chez elle en toute sécurité et sans délai», a déclaré le secrétaire général dans sa déclaration.
La lettre officielle de l'employeur qui licencie les travailleuses mentionne «l'incitation à perturber les conditions pacifiques» dans l'usine, les menaces et les tentatives délibérées de réduire la production comme motifs de licenciement. Dans un cas similaire, Thidar Win, un autre organisateur syndical de l'usine de vêtements Sun Apparel dans le canton de Hlaingtharyar, à Yangon, a été arrêté par l'armée mercredi, le même jour que Thu Thu San, selon les rapports de Myanmar Labour News. Myanmar Now enquête toujours sur cet incident, l'accès à des informations vérifiables étant actuellement limité.
En octobre 2022, des milliers d'employé·es de la société Myanmar Bao Zheng - qui exploite une usine dans le canton de Shwepyithar, à Yangon, et fabrique des chaussures pour Adidas - ont demandé une augmentation de 4800 kyats à 8000 kyats et le respect des droits fondamentaux des travailleur·euses dans l'usine. Trois jours plus tard, 26 travailleur·euses ont été licencié·es.
Les conditions de travail des ouvriers de l'industrie au Myanmar se sont détériorées depuis le coup d'État militaire de février 2021. Malgré l'inflation, le salaire minimum pour une journée de travail de huit heures au Myanmar n'a pas changé depuis 2018, lorsque le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie d'avant le coup d'État l'a fait passer de 3 600 à 4 800 kyats. En mars 2023, juste avant les vacances de Thingyan, l'usine de vêtements Fitex, appartenant à des Chinois, située dans le canton de Hlaing Tharyar, a licencié plus de 400 travailleur·euses, soit plus de la moitié de ses effectifs, sans indemnités de licenciement ni autres compensations.
Selon un rapport publié par l'Organisation internationale du travail (OIT) en janvier 2022, plus de 1,6 million de travailleur·euses du Myanmar ont perdu leur emploi depuis le coup d'État survenu un peu moins d'un an auparavant.
Publié par Myanmar Now