50. Haiti : Visite des coupeurs de canne de la "Unión de Trabajadores cañeros"
CSP-Conlutas
Le dimanche 13 décembre passé, 3 membres de la « Unión de Trabajadores Cañeros » (UTC) sont arrivés en Haïti, répondant à notre invitation. Il s’agit de membres du syndicat des coupeurs de canne en République Dominicaine. La grande majorité est d’origine haïtienne, frappée par le récent décret du gouvernement Medina qui fait d’eux des apatrides, susceptibles donc d’expulsion immédiate (voir notre présentation du 8 décembre 2015 à ce sujet).
Ils devaient être 5. Deux d’entre eux ont vu leur demande de papier refusée par l’ambassade d’Haïti en terres voisines. Cette demande a été effectuée depuis mai. En insistant de façon permanente. Sept mois donc pour une opération administrative qui peut ne prendre qu’une à deux semaines pour être résolue. Se terminant, de surcroît, par un refus, sans raison exprimée!
Tard dans la nuit de dimanche, l’autobus arriva enfin. Avec, à son bord, le coordonnateur général du syndicat, un coupeur de canne fort âgé et la fille de l’un d’eux. Le retard de l’autocar empêcha cependant la tenue d’une des plus importantes réunions, celle avec les ouvriers du textile qui, ne pouvant attendre plus longtemps (l’autocar arriva avec plus de deux heures de retard) craignaient également la situation de grande insécurité qui règne dans les rues de Port-au-Prince en ces temps troubles d’élections frauduleuses imposées par les ambassades impérialistes et l’oligarchie locale. Germe de ce que nous entendons comme étant une des pratiques les plus importantes à réaliser : l’unité en lutte des classes ouvrières des deux pays de l’île. En ce sens, pour ce faire, le textile représente une branche de choix. Tout d’abord parce que les principales marques (Wrangler, Hanes, Lewis, Gildan… …) se retrouvent des deux côtés de la frontière et la construction d’une lutte commune coordonnée du prolétariat qui y est employé est un processus déterminant pour efficacement faire face aux offensives de cet agressif capital. Les ouvriers des deux pays de cette branche capitaliste s’en sont rendu compte, qui se sont déjà regroupés à l’occasion et ont créé des réseaux de coordination en marche. D’un autre côté, les coupeurs de canne d’origine haïtienne en terres voisines portent, eux, dans leur essence même cet internationalisme fondamental. L’agenda de cette rencontre, en plus d’une meilleure connaissance réciproque, se voulait un lieu de réflexion et de rapprochement sur ce thème et un champ de lutte clé. La très regrettable impossibilité de sa réalisation laisse un vide, même si momentané. Certains échanges minima entre nos camarades de visite et les principaux délégués de Batay Ouvriye venus des différents départements du pays les accueillir purent malgré tout avoir lieu.
En vue de donner à cet événement l’envergure qu’il mérite, la journée entière du lendemain fut dédiée à la presse. En articulation avec les élections où l’ensemble des candidats ne répond en rien aux revendications réellement populaires (voir notre texte « Les intérêts populaires et le processus d’élections bourgeoises » du 26 septembre) et devant la menace d’une pénétration encore plus violente du capitalisme neo-libéral en cours, la venue de coupeurs de canne d’origine haïtienne en République Dominicaine, courageux et conscients des tenants et aboutissants de leur situation, représente une épine profonde dans le cours, même cahoteux, de la mainmise des dominants. En matinée, ce fut une conférence de presse où, intriguée, bonne partie de la presse classique accourut. En annexe, notre introduction. Puis, tour à tour, nos camarades coupeurs de canne ont alors présenté une argumentation soutenue, intense. Leurs revendications générales devant la vie si abominable que l’on connaît dans les « bateys » des usines sucrières en République Dominicaine, ajoutée à la situation d’apatride que le dernier décret du gouvernement de ce pays vient de sortir et à l’absence d’appui de la part du gouvernement haïtien… le tout campe un rapport très dense, mais que nos camarades ouvriers de la canne portent avec force. Aux différents représentants de la presse, nous avons également fait lecture et remis la note de solidarité envoyée par le groupe « Solidaires » de France et représentant des dizaines de syndicats internationaux (voir message du 12 décembre).
Dans l’après-midi, trois émissions d’importance (« Intersection » de radio Caraïbes, « Di m a di w » de Kiskeya et « Sur la Conjoncture électorale » de Mélodie FM) ont offert l’occasion de réitérer à un grand public nos positions et revendications. L’une d’entre elles, de Kiskeya, à ligne téléphonique ouverte, donna l’opportunité de communiquer avec d’autres migrants haïtiens, aux États-Unis cette fois-ci. Ceux-ci, conscients des difficultés des travailleurs migrants qu’eux aussi vivent concrètement, apportèrent un réel intérêt, d’excellents échanges et un appui militant aux coupeurs de canne.
Tout ce travail aida beaucoup à la réussite du sit-in du lendemain devant la primature et à l’entretien obtenu avec le premier ministre. En effet, après plus d’une heure de mobilisation et protestation nos camarades de l’UTC furent reçus par ce dernier. La trentaine d’ouvriers du textile qui avaient pu abandonner leur travail, ajoutés aux principaux membres de Batay Ouvriye qui avaient fait le déplacement à partir de leurs différents lieux de militance nationale, étaient appuyés par d’autres militants d’organisations alliées tant du milieu rural (Tèt kole ti peyizan ayisyen, Association de petits paysans producteurs) qu’urbain (Moleghaf, Modep, Association des employés arbitrairement révoqués dans le cadre du processus de privatisation…). Également présentes étaient les principales organisations de défense des droits humains, en particulier le RNDDH, accompagnées enfin de certaines personnalités progressistes du mouvement intellectuel. Pour avoir une idée visuelle de la mobilisation, en plus des photographies qui accompagnent ce document, l’on peut consulter le reportage du « Nouvelliste » à l‘adresse suivante :
Les trois membres de l’UTC, alors accompagnés de deux responsables de Batay Ouvriye et de celui du Bureau des Avocats Internationaux (BAI) auquel nous avions demandé de prendre en charge le dossier, purent dépasser le rideau de forces spéciales d’intervention (CIMO) qui occupaient l’entrée de l’édifice, pour finalement y pénétrer. Le premier ministre, coincé par l’évidence de la gravité de la situation, et ayant pris connaissance de nos interventions publiques, s’engagea, après forte présentation de la part de nos camarades et débats soutenus, à assurer personnellement la résolution de la demande des coupeurs de canne, à savoir : l’obtention des papiers nécessaires à la régularisation de leur situation en République Dominicaine. Reste à assurer concrètement la suite.
Dans l’après-midi, une rencontre d’échange et de débat avec le milieu étudiant fut organisée à la faculté d’ethnologie. Intéressés, étonnés parfois, concernés pour certain, il à noter cependant la différence d’avec la rencontre des ouvriers entre eux.
Ils devaient être 5. Deux d’entre eux ont vu leur demande de papier refusée par l’ambassade d’Haïti en terres voisines. Cette demande a été effectuée depuis mai. En insistant de façon permanente. Sept mois donc pour une opération administrative qui peut ne prendre qu’une à deux semaines pour être résolue. Se terminant, de surcroît, par un refus, sans raison exprimée!
Tard dans la nuit de dimanche, l’autobus arriva enfin. Avec, à son bord, le coordonnateur général du syndicat, un coupeur de canne fort âgé et la fille de l’un d’eux. Le retard de l’autocar empêcha cependant la tenue d’une des plus importantes réunions, celle avec les ouvriers du textile qui, ne pouvant attendre plus longtemps (l’autocar arriva avec plus de deux heures de retard) craignaient également la situation de grande insécurité qui règne dans les rues de Port-au-Prince en ces temps troubles d’élections frauduleuses imposées par les ambassades impérialistes et l’oligarchie locale. Germe de ce que nous entendons comme étant une des pratiques les plus importantes à réaliser : l’unité en lutte des classes ouvrières des deux pays de l’île. En ce sens, pour ce faire, le textile représente une branche de choix. Tout d’abord parce que les principales marques (Wrangler, Hanes, Lewis, Gildan… …) se retrouvent des deux côtés de la frontière et la construction d’une lutte commune coordonnée du prolétariat qui y est employé est un processus déterminant pour efficacement faire face aux offensives de cet agressif capital. Les ouvriers des deux pays de cette branche capitaliste s’en sont rendu compte, qui se sont déjà regroupés à l’occasion et ont créé des réseaux de coordination en marche. D’un autre côté, les coupeurs de canne d’origine haïtienne en terres voisines portent, eux, dans leur essence même cet internationalisme fondamental. L’agenda de cette rencontre, en plus d’une meilleure connaissance réciproque, se voulait un lieu de réflexion et de rapprochement sur ce thème et un champ de lutte clé. La très regrettable impossibilité de sa réalisation laisse un vide, même si momentané. Certains échanges minima entre nos camarades de visite et les principaux délégués de Batay Ouvriye venus des différents départements du pays les accueillir purent malgré tout avoir lieu.
En vue de donner à cet événement l’envergure qu’il mérite, la journée entière du lendemain fut dédiée à la presse. En articulation avec les élections où l’ensemble des candidats ne répond en rien aux revendications réellement populaires (voir notre texte « Les intérêts populaires et le processus d’élections bourgeoises » du 26 septembre) et devant la menace d’une pénétration encore plus violente du capitalisme neo-libéral en cours, la venue de coupeurs de canne d’origine haïtienne en République Dominicaine, courageux et conscients des tenants et aboutissants de leur situation, représente une épine profonde dans le cours, même cahoteux, de la mainmise des dominants. En matinée, ce fut une conférence de presse où, intriguée, bonne partie de la presse classique accourut. En annexe, notre introduction. Puis, tour à tour, nos camarades coupeurs de canne ont alors présenté une argumentation soutenue, intense. Leurs revendications générales devant la vie si abominable que l’on connaît dans les « bateys » des usines sucrières en République Dominicaine, ajoutée à la situation d’apatride que le dernier décret du gouvernement de ce pays vient de sortir et à l’absence d’appui de la part du gouvernement haïtien… le tout campe un rapport très dense, mais que nos camarades ouvriers de la canne portent avec force. Aux différents représentants de la presse, nous avons également fait lecture et remis la note de solidarité envoyée par le groupe « Solidaires » de France et représentant des dizaines de syndicats internationaux (voir message du 12 décembre).
Dans l’après-midi, trois émissions d’importance (« Intersection » de radio Caraïbes, « Di m a di w » de Kiskeya et « Sur la Conjoncture électorale » de Mélodie FM) ont offert l’occasion de réitérer à un grand public nos positions et revendications. L’une d’entre elles, de Kiskeya, à ligne téléphonique ouverte, donna l’opportunité de communiquer avec d’autres migrants haïtiens, aux États-Unis cette fois-ci. Ceux-ci, conscients des difficultés des travailleurs migrants qu’eux aussi vivent concrètement, apportèrent un réel intérêt, d’excellents échanges et un appui militant aux coupeurs de canne.
Tout ce travail aida beaucoup à la réussite du sit-in du lendemain devant la primature et à l’entretien obtenu avec le premier ministre. En effet, après plus d’une heure de mobilisation et protestation nos camarades de l’UTC furent reçus par ce dernier. La trentaine d’ouvriers du textile qui avaient pu abandonner leur travail, ajoutés aux principaux membres de Batay Ouvriye qui avaient fait le déplacement à partir de leurs différents lieux de militance nationale, étaient appuyés par d’autres militants d’organisations alliées tant du milieu rural (Tèt kole ti peyizan ayisyen, Association de petits paysans producteurs) qu’urbain (Moleghaf, Modep, Association des employés arbitrairement révoqués dans le cadre du processus de privatisation…). Également présentes étaient les principales organisations de défense des droits humains, en particulier le RNDDH, accompagnées enfin de certaines personnalités progressistes du mouvement intellectuel. Pour avoir une idée visuelle de la mobilisation, en plus des photographies qui accompagnent ce document, l’on peut consulter le reportage du « Nouvelliste » à l‘adresse suivante :
Les trois membres de l’UTC, alors accompagnés de deux responsables de Batay Ouvriye et de celui du Bureau des Avocats Internationaux (BAI) auquel nous avions demandé de prendre en charge le dossier, purent dépasser le rideau de forces spéciales d’intervention (CIMO) qui occupaient l’entrée de l’édifice, pour finalement y pénétrer. Le premier ministre, coincé par l’évidence de la gravité de la situation, et ayant pris connaissance de nos interventions publiques, s’engagea, après forte présentation de la part de nos camarades et débats soutenus, à assurer personnellement la résolution de la demande des coupeurs de canne, à savoir : l’obtention des papiers nécessaires à la régularisation de leur situation en République Dominicaine. Reste à assurer concrètement la suite.
Dans l’après-midi, une rencontre d’échange et de débat avec le milieu étudiant fut organisée à la faculté d’ethnologie. Intéressés, étonnés parfois, concernés pour certain, il à noter cependant la différence d’avec la rencontre des ouvriers entre eux.