Rencontre avec Juan Rodriguez Président de la Confederación de Trabajadores Solidaridad Ecuatoriana (CTSE)
Le Réseau
Cette interview est celle du président de la Confederación de Trabajadores Solidaridad Ecuatoriana, dirigeant du Sindicato del Ministerio de Gobierno, Juan Rodríguez, licencié quelques semaines plus tôt.
Question : Comment les licenciements et le harcèlement des travailleurs et travailleuses ont-ils commencé ?
JR : Les persécutions et les licenciements au sein du ministère du gouvernement ont commencé en raison d'une scission entre le ministère du gouvernement et le ministère de l'intérieur. Les autorités prétendent que la masse salariale du ministère de l'intérieur est trop importante et qu'elles doivent licencier des travailleurs. Lors des réunions tenues avec le ministre, Henry Cucalón, celui-ci a promis de procéder à une restructuration, de modifier les postes des travailleurs et qu'il n'y aurait pas de licenciements. Il a donné sa parole. Une fois de plus, les offres du ministre Cucalón s'évanouissent dans la nature. Nous savons qu'il a pour caractéristique de dire une chose et d'en faire une autre, et il l'a démontré encore une fois. Le Syndicat National des Chauffeurs Professionnels et Ouvriers du Ministère du Gouvernement mène depuis plusieurs années des actions de défense des droits des travailleurs. Ce syndicalisme de de lutte a contrarié l'employeur. Depuis 7 ans, on nous refuse un contrat collectif, sous prétexte qu'il n'y a pas de moyens.
Q : Comment s'est déroulé le processus du contrat collectif ?
JR : La première version de la convention collective a été illégalement mise de côté et une action en justice a été engagée contre le ministère du gouvernement, le ministère du travail, le ministère des finances et le bureau du procureur général de l'État. Ces actions sont en troisième instance. En outre, le syndicat du ministère du gouvernement a déposé une plainte internationale auprès de l'Organisation internationale du travail (OIT). Nous sommes trois syndicats au niveau national à avoir activé cette action auprès de l'OIT. Cet organisme international demande à l'Etat équatorien de s'expliquer sur le dépôt illégal de ce contrat et émet des recommandations. Nous avons également soumis une liste de revendications au ministère du travail, dont toutes les échéances ont été violées. Cette liste de revendications a déjà été adoptée. Elle a atteint un point tel qu'elle a été portée devant la Cour de conciliation et d'arbitrage, et nous voyons donc qu'il y a une intention claire de mettre fin aux droits des travailleurs.
Q : Quelle a été la réponse du Syndicat des travailleurs du ministère du gouvernement et de la Confédération des travailleurs de la solidarité équatorienne au sujet du licenciement intempestif des 37 travailleurs ?
JR : Le syndicat et la confédération ont des fonctions indépendantes vis-à-vis des employeurs, c'est pourquoi les résolutions que nous prenons sont basées sur des congrès et des assemblées, comme le veulent les principes du syndicalisme de classe. La résolution de l'assemblée de la Confédération a été de soutenir à 100 % les processus de défense des camarades licenciés. Depuis la Confédération, nous présentons les demandes légales de réintégration des emplois des camarades, ainsi que la demande de ereconnaissance de l’illégalité de mon licenciement. Nous allons organisé une grève et des sit-in.
Q : Quelle est la principale préoccupation des camarades licenciés ?
JR : Les moyens de subsistance de leurs ménages. Dans le secteur public, il existe différents types de contrats. Parmi les plus connus, il y a les travailleurs de la LOSEP (Loi organique du service public), qui sont les fonctionnaires qui travaillent dans le service public ; ces fonctionnaires, comme les directeurs et les conseillers, gagnent des salaires élevés. Mais dans le secteur public, il y a aussi d’autres types de contrat, ceux relevant du codes du travail, et c'est nous qui sommes actuellement touchés par les licenciements. Nous gagnons le salaire de base du secteur public, par exemple un chauffeur gagne 566 dollars par mois. De ce salaire, comme c'est la norme, sont déduites les cotisations légales. Les camarades se retrouvent donc avec un salaire d'environ 520 - 530 dollars, ce qui est insuffisant pour subvenir aux besoins de leur ménage. Pourquoi est-ce que je souligne cela ? Parce qu'il y a souvent l’idée selon laquelle les fonctionnaires ou les travailleurs publics ont des salaires gonflés. Ce n'est pas le cas.
Aujourd'hui, ces collègues licenciés se retrouvent sans cette seule ressource pour pouvoir payer l'éducation de leurs enfants, la nourriture, le loyer et toutes les dépenses que génère une famille. On critique beaucoup les travailleurs du secteur public, mais on ne sait pas qu'il y a plusieurs types de contrats et que les collègues concernés appartiennent aux niveaux de salaire les plus bas, nous qui avons un petit salaire et qui travaillons de longues heures dans le secteur public. Nos heures supplémentaires ne sont même pas reconnues. Nous faisons partie de la classe ouvrière et nous sommes également exploités.
Q : Comment s'est manifesté le soutien des collègues de la Confédération ?
JR : Le soutien des organisations et des camarades affiliés à la Confédération a été spectaculaire. L'une des devises de la CTSE est : qui s'en prend à l'un d'entre nous s'en prend à nous tous. En ce sens, les camarades ont envoyé plusieurs vidéos de soutien à ma présidence et aux camarades licenciés. De même, plusieurs tiktoks ont été réalisés pour tenter d'inonder les réseaux sociaux, afin que le message de dénonciation et de non-conformité absolue avec les actions anti-ouvrières du ministre Cucalón atteigne l'ensemble de la classe ouvrière et les autorités compétentes. Nous poursuivrons inlassablement nos actions.
Je veux envoyer un message à tous les camarades : la lutte syndicale est une lutte de résistance, une lutte permanente. Sur notre chemin, nous rencontrons ces pierres que les patrons et les employeurs mettent sur notre route, en particulier un employeur aussi puissant que le ministère du gouvernement, qui pense qu'il a la situation en mains, et dans ce cas, même la vie des camarades travailleurs. Priver les gens de leurs moyens de subsistance et de leurs emplois, c'est ôter le pain de la bouche des familles de travailleurs. En ce sens, j'appelle non seulement les syndicats, mais l'ensemble de la classe ouvrière, à s'unir, camarades, car la seule façon de faire face à cette attaque néolibérale est de s'organiser. Ce n'est qu'avec la force des travailleurs que nous briserons les lois des exploiteurs.
Traduction : Christian Mahieux